Parlons chiffons #3 - matières
Ca faisait un moment qu'il traînait, cet article-là, et finalement c'est tout de la faute des trolls s'il arrive enfin ! Sacrées bestioles !
Pour ce 3e épisode sur la couture, nous allons parler du plus important : le textile lui-même. Les matières sont variées, chacune a ses avantages et inconvénients... tant au niveau du vêtement lui-même que de son entretien et de l'environnement. Il est important de tout prendre en compte quand on choisit un tissu, pour ne pas se retrouver avec de mauvaises surprises. Dans cet article, je vous préviens, je vais être très partiale, car certaines fibres ont à mes yeux des défauts rédhibitoires.
Fibres synthétiques
Voilà, on commence tout de suite par les défauts : les fibres synthétiques sont fabriquées par des réactions chimiques (majoritairement à base de composés pétro-chimiques), en usine. Leur fabrication, leur transformation, leur teinture et leur élimination sont toutes polluantes, sans exception. On peut aussi bien imaginer qu'un tel florilège de matériaux et traitements chimiques n'est pas bon à porter sur la peau... Donc je ne vous les conseille absolument pas, à moins de n'avoir absolument pas d'autre choix.
Le polyester est la plus commune (70% des fibres synthétiques produites dans le monde), elle se retrouve énormément dans les vêtements de sport, les sous-vêtements, et pour imiter la brillance de la soie. Son principal atout est son élasticité remarquable, qui ne se retrouve chez aucune fibre naturelle... Cependant, il existe de nombreuses astuces pour obtenir les mêmes qualités de souplesse chez les matières naturelles, j'en parlerai dans un prochain article (mais vous pouvez déjà penser au tricot !). Comme les autres fibres synthétiques, il peut être traité pour être, par exemple, efficace à laisser passer l'air (vêtements de sport), ou pour d'autres qualités. Cependant, ces qualités peuvent aussi être trouvées chez les fibres naturelles, et sans le cortège d'usinages et procédés polluants qui vont avec.
Le polyester peut chercher à imiter la brillance de la soie : ici du satin (http://alittlemercerie.com/)
Pour ma part, le choix est vite fait : pas de fibres synthétiques, autant que possible ! La difficulté, c'est qu'elles sont largement majoritaires sur le marché aujourd'hui, et de plus, souvent moins chères que les fibres naturelles. Difficile donc de trouver des tissus abordables sans ces saletés dedans. D'autant plus que les mélanges sont très fréquents (combien de fois n'ai-je pas reposé en grognant une superbe laine qui contenait 25% de polyester ?). Regardez bien les étiquettes, et soyez intraitable ! Ces saletés prennent la place des fibres naturelles, qui pourtant ont des qualités immenses mais peine à être produites, faute de demande... Soyons la demande, et donc laissons tomber les fibres sythétiques ! Dernier argument : les fibres sythétiques sont pour la plupart (à moins d'être traitées spécifiquement) extrêmement inflammables. Donc pour votre sécurité même, je vous les déconseille (notamment en fêtes historiques, avec les feux de camp...).
D'autres fibres synthétiques : nylon, acrylique (parfois nommé polyacryl), polyamide, vinyl, élasthane...
Fibre artificielle
La viscose (une variété est nommée rayonne) est une sorte d'hybride qui est difficile à décrire. C'est une fibre usinée à partir de la cellulose contenue dans différentes essences de bois (pin, bambou, bouleau...). C'est donc bien un produit de l'industrie, et traité par tout un tas de procédés polluants, mais bel et bien naturel à l'origine. Pour ma part, je considère la viscose plutôt comme une fibre sythétique, mais avec un peu plus de tolérance. J'évite autant le 100% viscose que le 100% polyester, mais si elle est mélangée avec une fibre naturelle, je peux la tolérer à hauteur de... disons 30%. Mais cela dépend du choix que j'ai, du prix de l'article, de mes possibilités... Dans l'idéal, je la bannirais complètement, et c'est bien mon but à long terme.
Ses propriétés sont semblables au coton, ou à un mélange lin & coton : elle est peu élastique mais absorbante et légère. Autant prendre du coton ou du lin, plutôt ! En plus, je trouve que les tissus 100% viscose grattent terriblement.
Fibres naturelles
Voilà, on y est ! Mes fibres préférées... avec des exceptions, vous verrez pourquoi. Ces fibres sont tout simplement tirées de végétaux ou d'animaux, sans transformation de leur nature (mais parfois elles sont teintes, ou feutrées, etc.). Leurs propriétés sont très variables et intéressantes, bien qu'elles soient de plus en plus concurrencées par les fibres synthétiques. Notez déjà une chose importantes : sans teinture, ou avec une teinture non polluante (car certaines teintures sont polluantes, j'en parlerai dans un prochain article), TOUTES ces fibres sont biodégradables à 100%. Ce qui est un excellent point de départ.
Fibres d'origine végétale
- COTON -
Le coton est la fibre naturelle la plus commune, et concurrence fortement les fibres synthétiques (il représente presque la moitié des fibres textiles produites dans le monde). C'est aussi la plus facile à trouver. Ses qualités sont multiples, notamment sa résistance à la déchirure et à l'usure (pensons au blue jean, qui était le vêtement des chercheurs d'or et a conquis le monde), sa légèreté dans les climats chauds, sa blancheur naturelle. Il est originaire d'Amérique du Sud mais est aujourd'hui cultivé dans toutes les régions tropicales ou subtropicales de la planète.
Fleur de coton (http://cottonaustralia.com.au)
J'ai de gros, gros problèmes avec cette fibre. Déjà, le coton est pour moi le symbole et le rappel de l'esclavage des Noirs en Amérique. Derrière sa blancheur, je vois du sang et des larmes. Ensuite, l'énorme problème du coton est sa culture. C'est une plante qui a besoin d'énormément d'eau, ce qui fait que les cultures de cotonnier sont irriguées dans 40% des cas... Vous avez sans doute entendu parler de la mer d'Aral, qui a perdu la moitié de sa surface entre 1960 et 2000, car les grands fleuves qui l'alimentaient en eau ont été détournés pour irriguer les champs de coton. Un désastre écologique et social (les populations pêcheuses des rivages de cette mer n'ont plus d'eau sous leurs barques, mais du sable salé, stérile).
Recul de la Mer d'Aral entre 1989 et 2008 (Wikimedia commons)
Ensuite, comme sa culture a été intensifiée et mécanisée jusqu'à devenir véritablement industrielle, tous les problèmes de l'agriculture industrielle sont présents : monopole des grands semenciers sur les graines, perte de biodiversité qui a conduit à une spécialisation des ravageurs (insectes surtout) de la plante, ce qui conduit les cultures actuelles de coton à une utilisation monumentale de pesticides, sans parler des produits défaneurs à base d'arsenic, de vraies catastrophes pour les sols et les écosystèmes... et on peut rajouter l'utilisation de machines énormes pour la culture ainsi que d'usines gigantesques pour le travail de la fibre... Je vous laisse imaginer les conséquences de tout cela : il faut produire les tracteurs, les alimenter en pétrole, chauffer les usines, produire et alimenter les machines à l'intérieur, et les personnes qui travaillent dans tout cela n'ont sûrement pas des conditions de travail merveilleuses...
Récolte du coton : monoculture, grosse machine... (Wikimedia commons)
Mon avis est le suivant : évitez le coton... sauf dans les cas où vous pouvez être certain-e de sa provenance, et qu'elle est saine. Achetez au moins du coton bio (et pas juste 10% dans la composition pour faire joli, comme beaucoup de marques de vêtements proposent actuellement) (du beau greenwashing, là encore). L'entreprise Sekem est une valeur sûre (mais ne distribue qu'en Allemagne et aux Pays-Bas, en Europe), mais il y en a d'autres. Bien sûr, le coton est un peu mieux que des fibres synthétiques... mais prenez vos précautions, au maximum. Ce n'est pas parce que la fibre est d'origine naturelle qu'elle n'est pas polluante, bien au contraire ! Parce que l'agriculture industrielle est une saloperie, source de tas de problèmes environnementaux, sociaux, humains, et j'en passe. Mieux vaut une laine avec 15% de viscose que du 100% coton, à mon avis.
- LIN -
Le lin est une fibre issue de la tige de la plante du même nom... et c'est l'une de mes matières préférées ! La plante et sa culture ont été importées d'Asie Mineure il y a 2000 ans, et le lin est rapidement devenu l'une des étoffes majeures en Europe, avant d'être concurrencé par le coton et les fibres synthétiques. La France reste le premier producteur européen de lin, ce qui est intéressant car il s'agit donc d'une fibre assez facile à trouver localement (on en trouve aussi en Italie, Belgique, Europe et l'Est et Irlande, si jamais). La plante demande peu d'engrais et pesticides, sa culture est donc très loin d'être polluante comme celle du coton (en plus, je ne sais pas si vous avez déjà vu un champ de lin en fleurs, mais c'est mythique).
Fleurs de lin... ça me fait toujours rêver ! (http://joeleagle.files.wordpress.com/)
Notez que l'industrie actuelle du lin s'emploie à obtenir un minimum de résidus, en recyclant leurs déchets : graines de lin bien sûr (!), mais aussi pâte à papier et d'autres matériaux. Enfin, parlons des qualités de l'étoffe elle-même : Le tissu de lin est très isolant (chaud en hiver, frais en été), plutôt résistant à la déchirure (sauf usure sur des plis), résistant à la lumière et à l'humidité, et a cette texture irrégulière qui lui donne un aspect un peu "rustique" inimitable (il est très souvent employé pour le linge de maison). Son principal inconvénient est d'être très froissable (mais ça peut être un effet recherché), et assez raide quand il est épais. D'expérience, je peux vous assurer que le lin est extrêmement agréable à porter, surtout en été (et il ne vous grattera jamais comme une fibre synthétique).
Aspect du lin : irrégulier, "rustique" (http://toiles-et-tissus.com/)
Vous aurez compris : C'est l'une des fibres que je vous recommande le plus chaudement ! Peu polluante (sauf les teintures, nous y reviendrons), beaucoup de qualités précieuses (notamment l'isolation), très belle je trouve, et même locale ! Tout bon pour le lin ! J'ai trouvé un site de vente en ligne de lin français : CoutureLin ... mais le lin est assez facile à trouver dans les magasins de tissus (heureusement) (mais souvent sans indication de provenance par contre).
Lin mûr, en graines, prêt à être récolté (http://bougepourtaplanete.fr/)
- CHANVRE -
Le tissu de chanvre est tiré de la plante bien connue qu'est le cannabis. Originaire d'Asie Mineure, le cannabis a été employé presque dans le monde entier pour fabriquer des tissus, des cordages, du papier, ainsi que pour ses usages médicinaux et stupéfiants. Pour sa solidité en tant que tissu ou cordage, il a été très largement cultivé en France, jusqu'à ce que le coton et les fibres synthétiques le remplacent au cours du XXe siècle (il y a aussi eu de nombreuses affaires de lois, en raison de ses propriétés stupéfiantes, je vous passe l'historique des bêtises juridiques).
(toutes les photos pour le chanvre sont tirées de Wikimedia commons)
L'étoffe de chanvre a de nombreuses et intéressantes propriétés, notamment sa solidité impressionnante (la plante est également connue pour les cordages à bateau qu'elle permet de confectionner, je vous laisse donc imaginer sa solidité pour retenir des monstres de bois ou de métal). C'est une fibre plutôt rêche, peu agréable à porter sur la peau (ou alors il faut en trouver du très fin), mais parfaite pour les toiles solides : tentes, linge de maison costaud, bref toutes les pièces de textile solides dont on peut avoir besoin (à ce sujet, je suggérerai de l'employer en remplacement de la toile de jute, si commune, mais qui vient de loin). Notons que sa culture ne demande à peu près aucun pesticide ou engrais, ce qui la rend très peu polluante.
Je conseille très chaudement le chanvre, lui aussi, bien que pour un usage différent que le lin (plutôt pour les ouvrages solides ou vêtement d'extérieur, et réservons le lin pour les vêtements plus fins, surtout s'ils sont portés à même la peau). Il est toutefois difficile à trouver à la vente, je peux vous conseiller les boutiques en ligne suivantes : Rue du Chanvre (pas de tissus mais des vêtements et de nombreux produits autour du chanvre) - Naturellement Chanvre (peut-être ma préférée, petite entreprise familiale avec des toiles de grande qualité, certaiens très fines d'ailleurs, à tester en vêtements légers du coup, peut-être que la réputation de rudesse du chanvre peut être démontée ?) - La Cantate du Chanvre (je ne connais pas plus que ça, à vous de tester ! ils ont du coton bio, et des mélanges chanvre&coton ainsi que chanvre&soie, ce qui a l'air très intéressant). Enfin les Breton-nes, vous avez de la chance, avec l'atelier Aux fils de l'Arz qui propose de nombreuses tissus historiques en chanvre mais aussi en laine et en lin !
Mon avis à propos de cette fibre est assez simple : que le cannabis aie des propriétés psychotropes ne doit pas être une mauvaise excuse pour le rendre quasi-introuvable sous forme textile (ou cordage) ! C'est une fibre excellente, très résistante, facile à produire (facilité de culture, ainsi que de traitement de la fibre, car les fibres sont très longues, par rapport au lin notamment)... tout bon pour le chanvre ! D'ailleurs j'en profite pour vous recommander sa graine, plutôt nommée chènevis : dans vos salades, vos risottos, et surtout vos couscous, n'hésitez pas à la saupoudrer : c'est excellent (ma version préférée ? dans le chocolat noir).
- RAMIE & ORTIE -
La ramie est une plante de la famille des orties (aussi appelée "ortie de Chine", ce qui indique son origine). Ortie et ramie sont deux excellentes plantes textiles, de croissance et culture faciles (avec des bottes et des gants ^^), non polluantes, aux fibres longues et aux qualités intéressantes : aspect irrégulier comme le lin (à mon avis, la toile d'ortie est encore plus belle que la toile de lin, notamment pour l'ameublement), très bonne isolation (notamment de la chaleur en été), résistance assez incroyable, légèrement déperlante au naturel (sans apprêt)... Des tissus vraiment intéressants, mais atrocement difficiles à trouver (et souvent pour un prix exhorbitant, vu que chez nous, on les trouve difficilement ailleurs que dans les magasins de tissus de luxe). Ce qui est terriblement dommage, car quelle plante est plus commune que l'ortie ? Je souhaite vraiment que ces plantes puissent être à nouveau cultivées et connues pour leurs qualités textiles, elles le méritent. Si vous en trouvez pour un prix décent, n'hésitez pas ! Je ne connais pas de revendeur spécialisé, hélas (mais j'en ai trouvé sur alibaba.com, venant généralement d'Asie).
Cinq étapes de l'extraction de la fibre de ramie (https://www.hfshades.com/blog/2011/nov/the-story-ramie)
- AUTRES -
Il existe nombre d'autres fibres végétales connues dans le monde textile : la toile de jute, le raphia, l'abaca (tiré du bananier), le coir (fibres de coco), le kapok, le sisal... Toutes sont intéressantes et ont leurs qualités propres... mais je vous les déconseille, pour une simple raison : ces fibres sont cultivées loin de l'Europe. Il est donc plus difficile de trouver des productions certifiées respectueuses de l'environnement et des travailleur/ses, et le transport est conséquent. Je suis particulièrement sensible à propos de la toile de jute, qui est je trouve utilisée un peu à tort et à travers (notamment en fêtes médiévales) en raison de son prix bas et de sa disponibilité, mais qui pourrait très bien être remplacée par du chanvre, qui lui peut être cultivé localement.
Fibres d'abaca en train de sécher dans une exploitation au Costa Rica (Wikimedia commons)
Fibres d'origine animale
Je vais passer assez vite sur certaines fibres animales, pour la bonne raison que je les connais assez peu (vous encore comprendre pourquoi, promis). Globalement, je dirais qu'à moins que vous ne soyez vegan, ces fibres sont ok... à condition de pouvoir vérifier leur provenance et leur mode de production. Il existe pas mal de possibilités d'acquérir par exemple une écharpe en cachemire du commerce équitable, ce qui garantit des conditions de travail et un revenu décents aux ouvriers/ères et généralement de bons traitements aux animaux. Il y a des exceptions, nous en parlerons. Toujours regarder les étiquettes, et poser plein de questions aux vendeurs/ses !
- SOIE -
La soie est obtenue en déroulant le cocon (composé d'un seul et très long fil !) de la larve du bombyx, ou ver à soie, un papillon nocturne. C'est en Chine que cette technique a été découverte et développée, mais de la soie a été également produite en France (dans des maisons particulières appelées magnaneries, encore trouvables aujourd'hui dans le Sud de la France), avant d'être trop concurrencée par la production de masse et les fibres synthétiques.
Voici la bestiole, la larve de bombyx du mûrier (http://lamaisondulysse.com/)
Mon problème avec cette fibre est qu'il faut tuer en l'ébouillantant la larve de bombyx pour récupérer le fil. La soie est certes un tissu d'une qualité incroyable : extrêmement fine, douce, très brillante, très solide, légère et agréable à porter... inimitable... mais à un prix élevé pour l'animal, je trouve, alors que d'autres fibres animales sont récoltées sans nuire à la bestiole. Je ne suis pas complètement contre, pour moi la soie peut être utilisée par petites touches, par exemple en broderie, mais comme il existe d'autres fibres aussi très belles, non cruelles, et en plus beaucoup moins chères, autant les utiliser à la place ! Donc à mon avis, on peut éviter la soie, c'est toujours ça, pour les animaux et pour le porte-monnaie.
La soie a un lustre, un brillant vraiment exceptionnel, surtout teintée aux plantes (https://mickytissages.wordpress.com/)
- LAINE -
La laine, fibre filée à partir de la toison du mouton, est peut-être ma fibre préférée d'entre toutes ! On la croit lourde, pénible à entretenir, qui gratte, seulement utilisée pour le tricot... je la connais pourtant légère, délicieusement chaude sans jamais l'être trop, texturée, douce, solide et fragile à la fois, rustique ou brillante, élastique et souple, parfois bouillie, feutrée, lourde, chaleureuse, confortable, d'autres fois aussi fine qu'un voile de coton, parfaite pour l'été, comme une seconde peau, et toujours avec cette odeur particulière qui me ravit, où on sent presque encore le mouton parfois. Ajoutons à cela qu'elle peut être déperlante voire complètement imperméable quand elle est feutrée avec encore un peu de suint (graisse naturelle secrétée par le mouton) en elle. Et qu'elle est aussi très difficilement inflammable, donc sécuritaire. Attention toutefois, c'est bien connu : elle ne résiste pas au lavage à l'eau chaude, surtout si elle est malaxée en même temps (ça la fait feutrer, donc rétrécir considérablement). Donc laver à froid avec un programme spécial, ou à la main... Oui, c'est une matière qui demande des efforts pour l'entretenir, mais quelle merveille ! Elle vaut bien ça ;)
Nous disions donc : la laine vient du mouton ^^ (http://labergeriedines.com/)
Il y a UN gros problème avec la laine : sa production. De base, comme vous pouvez l'imaginer, il est parfaitement possible d'élever et tondre des moutons sans leur faire de mal (j'en connais de très nombreux exemples)... sauf que de nos jours, pour répondre à la demande mondiale de laine, la majeure partie de la production se passe en Australie, dans d'immenses élevages intensifs (ce n'est pas parce qu'ils sont en extérieur qu'ils ne sont pas atroces). Citons notamment la coupe au ras de la queue des jeunes moutons, souvent carrément poussée jusqu'à leur entailler aussi la peau autour des parties génitales, ce afin d'éviter que la laine ne pousse à cet endroit-là, car elle est de moindre qualité et plus vite salie par les excréments (donc invendable, et cela peut occasionner des maladies aux moutons si on ne les vérifie pas avec soin... ce qui n'est bien sûr pas fait dans les élevages de masse). On peut rajouter les antibiotiques et autres cochonneries qu'on leur donne, et la destruction de l'environnement lors du passage de ces immenses troupeaux...
Tous les moutons ne vivent pas en petits troupeaux aimés et bichonnés dans les grands espaces verts de la Suède (photo Libellule).
Donc la laine : oui, mille fois oui... mais pas issue d'élevages de masse. Ca reste une fibre infiniment meilleure que les fibres synthétiques ou le coton par exemple, et je la privilégie personnellement autant que le lin dans mes achats de textile, mais essayons de faire attention. Il est un peu difficile de trouver des fournisseurs européens (qui sont toujours plus chers que la laine australienne, évidemment, mais on paie la qualité, c'est toujours comme ça), mais c'est important. On peut notamment se fier à la laine islandaise, particulièrement isolante contre le froid, et produite en Islande par des moutons généralement complètement libres et heureux (et givrés ^^), il y a aussi les îles britanniques qui ont de nombreuses races de moutons vraiment intéressantes, et on peut aussi en trouver parotut ailleurs en Europe. Notez une chose révoltante : en Suisse, comme il n'existe pas d'infrastructures pour valoriser la laine (pas de filatures, etc.), les toisons des moutons sont tout simplement brûlées. Ca, c'est le genre de chose qui me hérisse complètement ! Je suis en train d'appeler à grands cris les éleveurs pour récupérer leur laine (gratos, du coup), même sale et grasse. Ca m'intéresse de compléter le processus depuis le début jusqu'à la fin (je sais tisser, carder, teindre un peu, mais pas encore filer, ni tisser en grandes largeurs, ni tricoter).
Voilà de la laine de mouton Gotland de près : bouclée, grise (ici très claire) et très brillante.
La laine qui est actuellement ma favorite est peut-être celle des moutons Gotland, naturellement grise et brillante, une splendeur... J'adorerais essayer une teinture à l'indigo là-dessus, je suis sûre que ça donnerait un bleu sombre absolument sublime !
- AUTRES -
Il existe bien d'autres fibres textiles d'origine animale, je vais juste vous les lister :
- Alpaga (lama) et Vigogne
- Angora (lapin)
- Cachemire (chèvre du Cachemire)
- Mohair (chèvre angora)
- Poil de chameau
J'ai la même opinion pour ces différents animaux : vérifiez vos provenances, le mode d'élevage des animaux, pour être sûr-e de ne pas enrichir un élevage industriel dégueulasse comme celui du mouton en Australie (et si on peut éviter quelque chose qui vient de l'autre bout du monde, comme la vigogne ou le chameau, c'est mieux)... mais globalement, ce sont des fibres de qualité, allez-y si vous en trouvez et que vous avez les moyens !
Voilà pour aujourd'hui ! Au prochain épisode, on parlera des teintures, de leurs avantages et inconvénients (si vous êtes sages, je vous donnerai même quelques recettes faciles de teintures végétales), et de la problématique complexe du cuir ! Quand nous en aurons fini avec les matières, nous pourrons (enfin) passer à la couture proprement dite. A ce sujet, si vous avez des envies spécifiques, des questions, des suggestions, n'hésitez pas à en parler en commentaires !