On ne pense pas à la sexualité des autres
Quand mon meilleur ami m'a annoncé qu'il était homosexuel, une route que je ne connaissais pas s'est tout à coup dessinée dans ma vie.
L'homosexualité, on la connaît, on en entend parler, quand on était ados on s'est un peu posé la question, et puis finalement on s'est trouvé-e plutôt hétéro, ça nous allait très bien, et on ne s'est plus tracassé-e. En tout cas, ça a été comme ça pour moi. Je ne me pensais pas pour, ni contre. C'était quelque chose qui ne me concernait pas, c'est tout. De base, je pensais que chacun-e a bien des relations avec qui ielle veut, mais je préférais ne pas trop y réfléchir, car ça me paraissait bizarre. Quand je pensais "homosexualité", j'essayais d'imaginer comment c'était, à quoi ça ressemblait, la sexualité entre deux femmes ou deux hommes.
Et puis le Lézard m'a sorti cette bombe, qu'il avait tenue bien cachée sous la table pendant longtemps. Et comme je l'aimais vraiment beaucoup, j'ai commencé à revoir mon jugement. Je me suis dit "mais pourquoi j'essaie d'imaginer les relations sexuelles entre deux personnes de même sexe, alors que quand je vois un couple hétéro je n'y pense pas ?". Ou très peu. Parce que ça les regarde, et pas moi. C'est là que j'ai commencé à comprendre quelque chose qu'on dit peu : oui, la sexualité est politique (vous n'avez pas pu rester ignorant-e du tapage médiatique autour du mariage pour tou-te-s en France, à moins de vivre dans une caverne)... mais pour moi, elle reste personnelle. Je ne suis pas voyeuriste. Ce qui se passe entre Tralala et Trilili, je m'en fous. Si tel couple prend son pied (ou pas), ça les regarde. Même si on admet que j'ai une relation avec Tralala et une relation avec Trilili, ce qui se passe entre eux deux n'est pas de mon ressort (sauf dans le cas des relations à trois, que je n'aborde pas ici). En tout cas c'est comme ça que je vois les choses pour les couples hétérosexuels. Alors pourquoi je n'étais pas aussi détendue à propos de la sexualité homo ? Pourquoi il y avait une part de moi qui disait "c'est bizarre" ?
A cause de l'éducation. Ma famille n'est pas particulièrement homophobe, mais reste très traditionnelle. L'amour, c'est un monsieur, une madame, et on se met en ménage si ça marche, et si on arrive à se marier et à avoir des enfants, c'est le top. C'est ce que j'ai appris. C'est ce qu'on voit partout, dans les films, dans les bouquins, dans les livres, ce qu'on entend dans la bouche de tout le monde. Sauf que Lézard m'a fait comprendre un truc : il ressentait bel et bien de l'amour, lui... mais la famille traditionnelle, il ne l'aura jamais. Et c'est comme ça que j'ai commencé à comprendre que l'amour ne rentre pas forcément dans le cliché qu'on me servait depuis toujours. Que ce cliché ne résumait qu'une seule forme d'amour et donc que c'était une vision très parcellaire de la chose. Et que ce n'est pas parce que j'étais habituée à cette vision-là que c'était forcément la seule possible.
Alors, grâce à Lézard, j'ai commencé à ouvrir mon esprit. Il me parlait de ses histoires, m'a fait connaître un peu le monde LGBT (bien que je sois une brêle pour y rentrer vraiment, vu que j'ai horreur de sortir et de boire, je n'ai jamais mis les pieds dans un bar gay par exemple) (je suis une hermite, et plutôt sobre comme un moineau). Ca m'a rappelé mon ancien pote Mister Tree, qui s'était toujours défini bisexuel et dont je croyais à l'époque qu'il était en fait hétéro et cherchait juste de la tendresse là où il pouvait en trouver (je me mords les doigts d'avoir perdu le contact, j'aimerais beaucoup discuter de ça avec lui aujourd'hui). J'ai commencé à regarder autour de moi et à voir ces relations qui sont comme invisibles aux yeux de la majorité hétéro.
Et puis je me suis habituée. A force de discuter avec mes ami-e-s, de rencontrer des gens chouettes et ouverts d'esprit, j'ai déconstruit patiemment cette idée de bizarrerie que j'avais attachée à l'homosexualité. Et j'ai arrêté de penser à la sexualité des autres. Je sais que tel-le pote a une relation avec untel-le, mais leur intimité, je m'en fous. Quelle que soit leur orientation sexuelle. L'autre jour j'ai rencontré Lonroux, et ça a bien jasé parmi mes amis pour savoir s'il était hétéro ou homo. Personnellement, bien que plutôt intéressée par la bestiole, je n'avais pas particulièrement envie de savoir. S'il était intéressé par moi également, tant mieux. S'il ne l'était pas, je m'en fichais de connaître le motif : que ce soit parce qu'il n'aime pas les minces ou les longs tifs ou les musiciennes ou simplement les femmes, le résultat serait exactement le même. Pas la peine de disserter.
Aujourd'hui je suis franchement fière d'être arrivée à ces deux choses : l'acceptation générale de la sexualité des autres, qu'elle me soit commune ou non ; et le fait de laisser aux autres leur intimité, même en pensée, sur leur sexualité. D'ailleurs j'ai aussi déconstruit pas mal d'autres choses grâce à Lézard, notamment le genre et justement l'orientation sexuelle, mais ce sera pour plus tard...
La musique du jour, la voici, je l'écoute en boucle ces temps-ci.
Je ne pose pas de questions cette fois-ci, mais allez-y avec vos réactions ! Pour la première fois j'avertis : si ça part en vrille, s'il y a notamment de l'homophobie qui se pointe, j'effacerai pour la première fois des commentaires... A vous de rester sympa et de respecter la liberté de tout le monde.