Parlons chiffons #1
Aujourd'hui, on va changer de sujet. On va parler d'écologie et d'artisanat via un sujet qui nous concerne tou-te-s : les vêtements (sauf si vous vivez dans un pays où le climat et la société vous permettent de vous balader à poil(s) toute l'année, mais je pense que c'est très rare). Ne tergiversons pas mille ans, et annonçons-le tout de go : je couds beaucoup, et mon but à terme est de faire tous mes vêtements moi-même. Tous. Y compris les sous-vêtements, les manteaux et les chaussures, si possible.
Pourquoi ?
Déjà, première raison qui est à la base de pourquoi je me suis mise à la couture, c'est que (vous l'aurez peut-être remarqué sur mes photos), je suis longue et fine. TRES. Format brindille, ou allumette. Les gens ont tendance à penser "quelle chance !" (d'autant plus que je mange comme quatre sans prendre un gramme), et c'est vrai que d'un côté, c'est élégant, dit-on, la longue silhouette, et c'est pratique de ne pas être en surpoids sans même y faire attention... Mais pour s'habiller, c'est galère. Tous les pantalons du commerce me découvrent les chevilles, ou alors ils sont bien trop larges, les pulls me découvrent toujours le bas du dos et les avants-bras, quant aux vestes et manteaux, je dois me fournir au rayon homme pour que mes épaules (plutôt carrées) et mes bras (très longs) y rentrent sans pour autant flotter dans une taille bien trop large pour ma taille d'hyménoptère.
Ensuite, je n'aime pas la mode. J'ai des goûts qui sont fortement influencés par la reconstitution historique (viking, médiéval, parfois Renaissance ou même piraterie), et je cherche des coupes confortables et pratiques pour courir les forêts, bosser en agriculture... J'aime aussi les coupes élégantes, par exemple les longues jupes très amples, ce qui n'est pas vraiment courant dans les magasins (puis de toute façon, si je prends une jupe notée "extra longue", elle m'arrivera en haut des mollets). J'ai aussi un camaïeu de couleurs favorites assez éloigné de ce qu'on trouve en magasin : j'aime d'amour les couleurs ternes, le gris-vert et le marron en tête, et aussi le noir bien sûr, et le beige (parfois une touche d'orange vif ou de rouge intense qui surprend), mais surtout j'aime que ces couleurs se dégradent en une infinité de nuances qu'on peut assortir subtilement... Bref, je ne trouve jamais mon bonheur dans les boutiques de fringues.
Petit détail à rajouter : j'ai tendance à sentir extrêmement fort quand je porte un pourcentage élevé de matières synthétiques à même la peau, et en plus j'ai une peau sensible qui s'irrite très vite au contact de ces mêmes matières. Alors 2% d'élastane, ça va, mais le 80% polyester, on peut oublier. Et les matières naturelles, ça coûte vite la peau des cuisses, surtout quand on est un peu touchy sur leur provenance (genre, du coton bio, pas du sale coton qui vide la mer d'Aral et pollue à fond les nappes phréatiques) (ou de la laine islandaise de moutons élevés correctement, pas de pauvres bestioles traitées avec autant de douceur que des punching balls dans ces élevages énormes en Australie).
Et enfin, comme vous le savez je pense toujours beaucoup à mon impact écologique. Et quand je vois un vêtement du commerce, mon esprit imagine immédiatement comment il a été fabriqué : quelle matière ? si végétale : quels traitements sur la culture ? si animale : élevée dans quelles conditions ? prélevée comment ? par qui ? dans quelles conditions ? quels transports ? sur quelles distances ? préparée comment ? teintée de quelle manière ? coupée et cousue par qui ? dans quelle région du monde ? dans quelles conditions de travail ? acheminée comment ? vendue par quelle enseigne ? avec quelle politique ? quels déchets ?
Le plus simple dans ce genre de questionnement, c'est de remonter un maximum vers la source (la même astuce que l'on utilise avec les cosmétiques naturels : retrouver des ingrédients simples dont la traçabilité est bien plus facile que des produits complexes). Et donc, dans le cas des vêtements, on peut commencer par coudre soi-même ses vêtements... C'est tout bénef :
- on peut beaucoup mieux se renseigner sur les tissus qu'on utilise (toujours discuter avec les vendeurs de tissu ! ils sont souvent bien au courant et adorent qu'on s'intéresse aux matières qu'ils vendent) (notamment la laine : c'est tellement varié et gage de qualité qu'on peut assez facilement savoir d'où elle vient, même si les mélanges ne sont pas toujours indiqués hélas) ; la récup' est une très bonne solution aussi, même si les matériaux ne sont pas toujours terribles (et du coup, plus difficiles à tracer), au moins ce n'est pas du neuf mais du recyclage (le pantalon costaud dans les rideaux en ortie ou la jupe dans les draps de lin, c'est traçable et c'est magnifique) ;
- on peut faire des vêtements qui nous plaisent entièrement, qui nous vont, qui correspondent à nos envies et nos besoins ; ça paraît difficile de se lancer, mais pas besoin de commencer par des corsets baleinés ou des pantalons moulants, on peut faire des choses très simples mais jolies et utiles, et on trouve des patrons et des tutoriels absolument partout sur le Net (personnellement j'ai toujours fait toute seule, au feeling, mais j'ai aussi perdu beaucoup de tissu, bien souvent) ; on peut coudre à la machine (rapide) ou à la main (précis et solide), comme on veut ; et on a la satisfaction délicieuse d'avoir fait soi-même quelque chose de beau et d'utile ; du coup, le vêtement aura tendance à nous servir beaucoup mieux et sûrement plus longtemps qu'un vêtement acheté ;
- on fait un magnifique pied-de-nez à l'industrie textile, polluante, limite esclavagiste, et aux énormes quantités de déchets qu'elle génère... et on reste indépendant d'elle, libre !
Quelques réalisations de mes mains
Un petit haut noir à manches larges, coton récupéré ainsi que la fermeture éclair ; une longue jupe ample en coton qui me va vraiment bien ; une jupe-kilt avec des plis inédits et la longueur qui me va ; une robe d'hiver en coton épais, inspirée des costumes viking ; un pantalon en laine fine qui sied à ma silhouette de sauterelle avec des laçages sur les mollets, entièrement cousu main ; un autre pantalon, en coton épais pour l'hiver, plus chaud que n'importe quel truc du commerce et hyper confortable ; une robe très cintrée en haut et très évasée en bas, lacée sur les côtés, spécialement réalisée pour danser, 100 % coton, entièrement cousue et brodée main ; une tunique viking en laine fine teinte aux plantes, cousue main...
Ce n'est jamais parfait, parfois j'utilise des matières avec un peu de synthétique (mon kilt est en polyester, parce que je ne trouvais pas le tartan que je voulais en matière naturelle) (et que le commander en laine en Ecosse, c'est vider son porte-monnaie, je n'ai rien contre les Ecossais mais sur ce coup-là ils arnaquent bien les touristes : leurs tartans, ils sont plus chers qu'une armure de plate complète forgée main), ou je mets une fermeture éclair en partie plastique, ou je rajoute un élastique pour que ça soit plus ajusté... Il ne s'agit pas de devenir extrémiste, mais juste de tenter à chaque fois d'éviter les erreurs des réalisations précédentes, pour toujours s'améliorer (je ne rachèterai pas de tartan en polyester, promis).
Au prochain épisode, on parlera des étapes pour se lancer, et de jusqu'où on peut rêver aller dans l'indépendance textile... Vous verrez, c'est pas rien, et c'est passionnant ;)
Que pensez-vous de cet article ? Trouvez-vous votre bonheur en magasin de vêtements ? Avez-vous déjà réfléchi à toutes les implications qu'un vêtement porte en lui ? Qu'est-ce qui vous touche le plus dans tout cela ? Quelles sont les matières que vous préférez et pourquoi ? Vous cousez ou projetez de le faire ? Si oui, quelles sont vos réalisations ?