Il était une fois
Il y a quelques années, il y avait une petite fille dans ce monde. Une petite fille "classique", qui rêvait à des beaux chevaux galopant dans des prés bien verts, à de belles longues robes de princesse, à des oreilles d'elfe, à des trucs bons à manger (si possible pleins de crème) et à des gens super gentils qui l'adoreraient et seraient ses amis. Naïve, elle aimait bien aller au petit supermarché du village : c'était comme le temple de Géo Trouvetout, et elle connaissait les allées par coeur, cavalant d'un bout à l'autre du magasin pour aider ses parents à faire les courses puis allant s'affaler au rayon librairie d'où on ne l'extrayait qu'avec la menace de partir sans elle. Elle aimait bien aussi le rose, le plastique, les diamants, les brillants, le multicolore, parce que ça faisait luire son regard d'enfant qui cherchait du rêve partout. Elle aimait bien enfin les cosmétiques, quand sa mère en achetait un nouveau elle avait toujours le droit de sentir et de dire son avis, et puis elle aimait bien lire les étiquettes qui promettent à l'utilisatrice monts et merveilles, elle avait l'impression que c'était de vrais concentrés de magie ces flacons-là.
Bref, elle était petite, elle était blonde, elle croyait au pays des merveilles et elle était super naïve. Bon, déjà à l'époque, elle aimait la Nature aussi, malgré sa phobie terrible de certaines bestioles (en gros, tous les insectes à longues pattes, de la tipule au faucheux en passant par les sauterelles et les araignées), elle aimait regarder les arbres, les montagnes, les vagues sur le lac. Elle aimait bien trier les déchets avec sa mère, parce que c'était rigolo de réfléchir où on devait mettre le verre et où le fer-blanc. Elle aimait bien aller à la déchetterie avec son voisin, parce qu'on pouvait y récupérer plein de trucs et elle trouvait géant que des choses encore en si bon état soient gratuites, mises à disposition des passants. Elle aimait bien marcher aussi, parce qu'on peut courir partout, voir des tas de choses incroyables (eh, les crêtes du Jura à 5 ans quand-même) et que la voiture la rendait vite malade.
Elle a grandi. Avec ses grands yeux attentifs de bonne élève sage, ses jupes à carreaux et ses longs cheveux, elle s'en est pris beaucoup dans la figure. Quand elle a découvert la musique irlandaise, le cirque et l'écologie, c'était encore pire. La révolution, celle de la grosse colère permanente et irrépressible, était en marche, mais la petite blonde ne s'en rendait pas trop compte. Elle avait déjà assez de problèmes d'enfant et d'adolescente sans pour en plus rajouter ceux du monde sur ses épaules.
Et puis comme elle aimait se balader dans la campagne, les moutons et bien manger, elle a décidé d'aller bosser dans l'agriculture. Et c'est là qu'elle en a pris dans la tronche comme elle imaginait même pas qu'on pouvait en prendre dans la tronche. Parce que pour elle, l'agriculture, c'était à peu près ça :
Sauf qu'en fait, l'agriculture aujourd'hui, ce serait plutôt ça :
Et donc elle a travaillé avec des ouvriers agricoles, elle a compris que le métier primaire du monde, le plus crucial, c'était celui que faisaient ces hommes et ces femmes, que la majorité de la population considère comme des moins que rien. Elle a compris la noblesse du cul terreux des culs-terreux. Elle a vu le travail dans les mains crevassées, noires, sales, un travail magnifique et pourtant méprisé. Elle a vu les plantes et les animaux déformés, dénaturés, foutus en l'air par la faim des villes. Elle a appris à aimer les déchets, la crotte, l'humus, le compost et leurs amis les décomposeurs, infatigables travailleurs de l'ombre. Elle a serré les dents, et elle a tout vu de près, elle a étudié les outrages qu'on fait subir au vivant au nom d'une sacro-sainte productivité, elle a appris les quantités faramineuses d'engrais sortis tout droit d'usines qu'il "faut" balancer sur les champs pour que les divins consommateurs mangent beaucoup alors que les surfaces cultivées (et le nombre d'exploitants) se réduisent comme peau de chagrin.
Elle n'a rien dit, trop petite pour gueuler, et elle s'est mise au vélo alors qu'elle détestait cela avant. Elle a pensé phoque aux grandes distributions, faisant jouer ses contacts pour s'approvisionner directement chez ses connaissances agricultrices. Elle a décidé de ne plus jamais entrer dans un magasin de vêtements, parce qu'on peut tout faire soi-même (et puis ses dimensions de grande gigasse n'aident pas pour trouver des pantalons). Elle a fouillé inlassablement les poubelles pour trouver un bout de cuir, une paire de godasses, une casserole, une planche de bois. Elle a encore pensé phoque aux restaurants et a décidé d'emporter ses carottes partout.
Et puis, comme tous les aspects de la question sont importants, elle a foutu loin ses cosmétiques et décidé de ne plus jamais mettre sur son corps des losaperies sortant des laboratoires.
Voilà comment j'en suis arrivée à la cosmétique naturelle.
Mais la cosmétique naturelle, ce n'est qu'un tout petit bout de l'énorme iceberg des choses qu'on peut faire pour la planète, la vie, la terre, les animaux, les champignons, les plantes et nous-mêmes. A mon avis, le plus important c'est la cohérence. Ca ne sert à rien d'utiliser des produits naturels sur vos cheveux et votre peau si vous mangez n'importe comment, achetez à tort et à travers ou voyagez en jet. Mais je ne jugerai personne, parce que ce n'est pas toujours facile d'être cohérent avec soi-même et qu'on n'avance pas toujours tant qu'on voudrait. J'ai moi-même de très nombreuses incohérences, tenez, je suis devant un ordinateur alors qu'il fait beau dehors ! L'important, c'est juste d'essayer, de faire au mieux, et de ne pas être complaisant avec soi-même.
Allez, j'espère que cet article vous a fait rire ou sourire, réfléchir si possible, et vous a plu. N'hésitez pas à réagir et/ou à raconter aussi votre petite histoire !
Et je vous mets un ours, parce que c'est beau. Musique ?